Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/60

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mauvais texte, et conçu dans des vues trop bornées, est cependant de grande importance pour les études lexicologiques. Il est presque inutile de dire que nos macaroniques françois n’ont jamais eu le même honneur.

Quand on pense pourtant qu’il n’existe pas dix auteurs macaroniques du premier ordre, et que ce glossaire de mots exceptionnels qui jetteroit tant de lumière sur la plus belle famille des langues modernes, ne rempliroit pas plus de deux volumes in-4o, en y admettant tous les riches développements dont il est susceptible, n’est-on pas désolé à l’idée qu’il devient de jour en jour plus difficile, selon que nous nous éloignons davantage de la tradition des origines ? Pourquoi le docte M. Salvi, qui doit avoir achevé sa curieuse Bibliographie des patois d’Italie, si impatiemment attendue, ne consacreroit-il pas ses laborieux loisirs à cette nouvelle entreprise, plus utile encore et plus glorieuse que la première ? Je ne connois personne dont l’érudition piquante et variée soit mieux appropriée à ce travail.

Si un bon commentaire des macaroniques est une chose essentiellement désirable, on concevra aisément d’après ce que j’ai dit de la langue qu’ils se sont faite, qu’il est impossible de les traduire, et souverainement ridicule de le tenter. C’est cependant ce que l’on a pas craint d’essayer en françois sur les délicieuses macaronées de Merlin Coccaïe, ou plutôt de Théophile Folengio, qu’on appelle avec quelque raison dans cette maussade contrefaçon d’un ouvrage charmant, le prototype de Rabelais. Quoiqu’il y ait dans son Histoire macaronique tout ce qu’il faut d’imagination et d’esprit pour dérider le lecteur le plus morose, c’est la travestir honteusement que la dépouiller de sa forme et de sa bizarrerie lexique. Dans la macaronée, le sel de l’expression résulte principalement de la nouveauté singulière et hardie d’une langue pour ainsi dire individuelle qu’aucun peuple n’a parlée, qu’aucun grammairien n’a écrite, qu’aucun lecteur n’a entendue, et qu’il comprend toutefois sans peine, parce qu’elle est faite par le même art et des mêmes matériaux que sa langue naturelle. Le principal charme du style macaronique est dans le plaisir studieux de cette traduction intime qui étonne l’esprit en