Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/64

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astreuse expédition, ou, pour s’exprimer comme lui, de la meygra entreprisa de Charles-Quint en Provence. Cet ouvrage, très facile à lire, quoi qu’en dise M. Tabaraud dans la notice morose et dégoûtée qu’il semble avoir octroyée malgré lui à l’auteur, joint au mérite de son originalité burlesque, celui de renfermer plus de particularités curieuses et singulières qu’aucun des mémoires du temps, et c’est le jugement qu’en a porté le meilleur historiographe de sa province. Entre ce poème et la plaisante oraison funèbre de Michel Morin que tout le monde sait au collége, quoique la macaronée n’y ait pas une chaire spéciale, il en a paru plusieurs autres qui mériteroient une mention détaillée dans une dissertation ex professo, mais parmi lesquels il faut donner le premier rang au Recitus veritabilis super terribili esmeuta païsanorum de Ruellio, par Jean-Cécile Frey, qui est une plaisanterie charmante, et dont il seroit à regretter que le bonhomme Balesdens nous eût fait tort dans l’édition posthume de ce polygraphe peu connu, si cette édition qu’on ne recherche guères n’étoit restée d’ailleurs aussi rare que son chef-d’œuvre.

Les succès de la poésie dans la macaronée étoient fort propres à encourager la prose ; elle y fit des merveilles, car indépendamment de l’anti-chopinus d’Antoine Hotman, et de quelques autres productions du même genre dont un habile emploi du style macaronique détermina la vogue, à cette époque vraiment littéraire qui ne se renouvellera plus, ne devons-nous pas à cette heureuse application de la langue capricieuse d’Odaxius ou d’Arione, les Epistolæ obscurorum vivorum, auxquelles nous devons probablement Rabelais et Pascal ? Dieu me pardonne d’avoir rapproché pour une seule fois deux génies si égaux et pourtant si divers ! Se souvient-on d’ailleurs des Epistolæ obscurorum vivorum, livre contemporain d’Érasme, et qui étoit fait pour le rendre jaloux ? Nulle part la mauvaise logique et la latinité pédantesque des scholastiques n’ont été parodiées avec plus de verve et de finesse, nulle part l’insidieuse et accablante ironie n’a été enveloppée de formes plus badines et plus populaires, si ce n’est toutefois dans l’Epistola Benedicti Passavantii ad Petrum Lize-