Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

travail, avant de l’avoir sérieusement abordé, et que je le trouvasse jeune, valide et vigoureux, je lui conseillerois sans hésiter d’apprendre un métier ; ou bien, dans le cas où il seroit trop pressé par ces nécessités de la vie qui ne laissent pas même le loisir d’un apprentissage, d’aller solliciter un fardeau sur le port, une commission sur la borne, un office de manœuvre à la suite des maçons : c’est un parti fort sage, et le plus digne selon moi d’un esprit raisonnable et sagement indépendant, d’abord parce qu’il n’y a point de destination plus naturelle à l’homme que de vivre au jour le jour du labeur de ses mains, et puis, parce que, toutes choses compensées, il n’y en a point de plus utile et de plus honnête. S’il étoit vieux et impotent, s’il étoit revêche et obstiné, je le renverrois aux livres spéciaux, à commencer par les plus anciens qui sont toujours les meilleurs, car tout ce qui est à dire sur nos vaines sciences jusqu’à la consommation des siècles a été dit avant nous, très bien dit et mille fois mieux qu’on ne le dira jamais. Ce qui reste à faire au génie, c’est l’assortiment des idées éparses et leur assimilation en corps méthodique, junctura mixturaque. Depuis vingt siècles, il n’y a dans les connoissances de l’homme rien de nouveau que les faits ; et voilà précisément pourquoi nous sommes arrivés aux journaux et aux almanachs, qui sont peut-être désormais les seuls livres possibles. Nos libraires ont pénétré innocemment ce mystère en nous livrant leurs éditions à la feuille. La mesure de leurs publications est très-conforme à la portée de nos besoins littéraires qui deviendront encore moins exigeants. La littérature d’une nation qui est dans une telle marche de perfectibilité, doit se réduire avant peu au Bulletin de la bourse et aux annonces des Petites-Affiches.

Revenons aux investigations honorables, même dans leur zèle tardif, de ces hommes studieux qui consument encore leur vie en travaux bientôt inutiles, et qui, à défaut de pouvoir se composer chèrement des bibliothèques spéciales appropriées à leurs recherches, récla-