Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/80

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de Bibles en neuf ans. Voulant doncques (je, vostre humble esclave) accroistre vos passetemps dadvantaige, vous offre de présent un aultre livre de mesme billon, sinon qu’il est un peu plus équitable et digne de foy que nestoit l’aultre… »

Il falloit évidemment qu’un Gargantua eût paru avant le Pantagruel, pour que Rabelais pût en parler avec cette précision, et qu’il fût de Rabelais, peut-être, pour qu’il daignât le traiter avec cette complaisance qui ne convient qu’à une douce et spirituelle ironie de soi-même. Or, les Grandes et inestimables Chroniques, si souvent réimprimées à Troyes avec d’étranges et ridicules modifications, existoient avant la publication du Pantagruel. Les éditions originales viennent d’en être retrouvées par hazard. Il n’y avoit point d’Alexandre qui les eût renfermées chez nous dans les cassettes d’un Darius. C’est tout simplement une découverte de bibliophile, et ceux qui l’ont faite n’y attachoient probablement pas beaucoup d’importance. Elle appartient de droit au savant qui l’édite et qui l’éclaircit.

Le fait important à vérifier, c’est de savoir si les Grandes et inestimables Chroniques du grant et puissant géant sont identiquement la même chose que la vie inestimable du géant Gargantua : et il y a des gens qui n’en douteroient point ; ceux qui pensent, par exemple, comme je l’avois toujours pensé, que le mot inestimable a été fait par Rabelais. Malheureusement, les Chroniques originales se rapprochent beaucoup plus de l’édition populaire de madame Oudot, comme vous la voyez décorer encore sur son grossier papier à sucre, et sous son enveloppe azurée, l’étalage nomade des colporteurs de villa-