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DES
AUTEURS DU SEIZIÈME SIÈCLE
QU’IL CONVIENT DE RÉIMPRIMER.
[PAR M. CH. NODIER.]


Nous avons une singulière manière de procéder en France. Elle n’agit que par admirations exclusives ou par antipathies décidées. Le dix-septième siècle ne s’est pas plus occupé du seizième que si la langue françoise avoit été improvisée par Port-Royal dans la Grammaire de Lancelot. Molière et La Fontaine s’en souvenoient souvent à la vérité, mais comme d’une mine abandonnée dont leurs contemporains avoient oublié le gisement, et où leur habile industrie pouvoit exploiter de temps à autre des trésors inconnus, sans faire crier au furt et au plagiat. Le dix-huitième siècle a passé sur le dix-septième sans égards pour Racine et pour Boileau, correct auteur de quelques bons écrits. Le dix-neuvième a débuté en faisant du tout table rase, et nous en serions peut-être encore là, s’il n’y avoit pas une loi de la méchanique qui rend la réaction égale à l’action ; mais, comme le mouvement de ce pendule du jugement et du goût devient d’autant plus rétrograde qu’il a été plus violemment jeté hors de son immobile à-plomb de station et de perpendicularité, nous retournons aujourd’hui sur nos âges littéraires, sans règle, sans esprit et sans choix, incapables que nous sommes de nous arrêter à aucun intermédiaire sous l’impulsion du véhicule irrésistible qui nous emporte. C’est une grande calamité, sans doute, et la moindre pourtant de toutes les calamités dont on ait à s’épouvan-