Page:Nodier - Les Femmes celebres contemporaines.pdf/29

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morale et intellectuelle des femmes. Toute femme qui ambitionne un talent, une pensée, une réputation d’homme, doit commencer sans détours, ou commence tacitement par faire abnégation de son sexe. Je ne sais, après cela, si elle réussira dans son entreprise, et j’ai de fortes raisons pour en douter ; mais je lui prédis, quoi qu’il arrive, qu’elle ne gagnera pas au change.

Ces réflexions paraîtront sans doute un peu sérieuses, au commencement d’un livre dédié à la gloire des femmes ; mais je crois les femmes assez avancées dans l’état de progression qui leur est permis, pour les juger dignes d’entendre ce langage. Après avoir pourvu à cette partie de mon ministère, qui est pour moi l’expression d’un sentiment comme l’accomplissement d’un devoir, je déclare que je n’ai rien à rabattre ni à modifier dans les hommages qui leur sont dus, et je m’y associe avec une ferveur qui ressemble peut-être encore à l’amour.

Sans compter la fabuleuse Clotilde de Surville, dont un esprit de critique très facile à exercer, a relégué depuis longtemps l’existence au nombre des mensonges littéraires les mieux constatés, avec le Rowley de Chatterton et l’Ossian de Macpherson, notre vieille poésie a été illustrée dès son origine par d’ingénieux travaux de femmes. Marie de France, Christine de Pisan, Clémence Isaure, la dernière par son influence, les deux autres par leurs ouvrages, ont contribué, plus qu’aucun de leurs contemporains, à l’ornement et au progrès de la littérature française ; et aucune littérature de la même époque ne peut leur opposer de rivales. Le seizième siècle fut