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ne suffiraient pas pour établir une longue célébrité, ni pour ouvrir les portes de l’Académie ; mais quelques poésies, vraiment remarquables par les idées comme par l’expression, tour à tour naïves, gracieuses, fortes et sublimes, sont les fleurs resplendissantes et parfumées dont une femme tresse sa couronne littéraire : Sapho n’a pas chanté une Iliade ; Louise Labé a laissé trois élégies et vingt-quatre sonnets.

La vie d’une femme poëte, telle que Mme Anais Ségalas, qui vit renfermée dans ses études et dans son bonheur domestique, est tout entière en ses ouvrages. Le public, qu’on a peut-être indiscrètement initié aux secrets de l’intérieur des gens de lettres, ne trouverait pas d’aliment à sa curiosité en pénétrant avec nous dans la révélation des qualités choisies et brillantes qui font à Mme Ségalas autant d’amis que d’admirateurs : on sent, à lire ses touchantes compositions, combien son âme est belle, pure, enthousiaste ; on devine, à voir ses traits élégants et gracieux, combien le charme de sa personne ajoute encore à celui de son talent ; on sait enfin qu’elle fait l’ornement du monde qui l’accueille avec des regards et des sourires de joie, lorsqu’elle vient dans les salons, comme une moderne Velléda, réchauffer le prosaisme glacé de notre époque, et rallier autour d’elle les derniers défenseurs de la poésie nationale.

Molles rêveries de poëte, travaux inspirés, applaudissements qui encouragent, nobles élans vers l’avenir ; voilà les principaux épisodes d’une vie consacrée aux muses dans la paix du ménage et les douceurs de l’intimité. Mme Ségalas prépare lentement et en silence, avec conviction, avec amour, ses poëmes, dont la perfection rachète la brièveté, et qui n’ont d’abord pour confidents que son mari et son excellente mère : le cœur d’une mère est le premier écho des succès de sa fille.