Page:Nodier - Trésor-des-Fèves et Fleur-des-Pois, 1894.djvu/11

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qui mûrissent dans leur gousse, il n'y a vraiment rien de plus ordinaire ; mais de voir un champ de fèves qui grandit sans qu'on n'y ait rien ajouté par acquisition ou par empiétement méchamment fait sur le terrain d'autrui, c'est ce qui passe la portée de l'entendement. Cependant le champ de fèves allait toujours grandissant et grandissant, grandissant à vent, grandissant à bise, grandissant à matin, grandissant à ponant ; et les voisins avaient beau mesurer leurs terres, leur compte s'y trouvait toujours avec le bénéfice d'une sexterée ou deux, de manière qu'ils en vinrent à penser naturellement que tout le pays était en croissance. D'un autre côté, les fèves donnaient si fort, que la chaumine n'aurait pu contenir sa récolte, si elle ne s'était notablement élargie ; et cependant elles avaient manqué partout à plus de cinq lieues à la ronde, ce qui les rendait hors de prix, à cause du grand usage qu'on en faisait