Page:Noel - Le Rabelais de poche, 1860.djvu/185

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Jupiter ne s’estimant débiteur de Saturne le déposera de sa sphère, et avec sa chaîne homérique, suspendra toutes les intelligences, dieux, cieux, démons, génies, héros, diables, terre, mer, tous les éléments. Saturne se ralliera avec Mars et mettront tout ce monde en perturbation… La lune restera sanglante et ténébreuse ; à quel propos le soleil lui départirait-il sa lumière ? il n’y serait en rien tenu. Le soleil ne luira plus sur la terre ; que lui doit-il ? et de quel droit lui emprunterait-elle ? les astres ne lui enverront plus aucune bonne influence.

Nul échange entre les éléments, car l’un ne se réputera plus obligé à l’autre, il ne lui avait rien prêté. De terre ne sera plus faite eau ; l’eau en air ne sera plus changée, ni l’air en feu. La terre ne produira rien que monstres, titans, aloïdes, géants ; il n’y pleuvra pluie, n’y luira lumière, n’y ventera vent, n’y sera ni été, ni automne. Lucifer se déliera et, sortant du fond de l’enfer, avec les furies, les peines et diables cornus, il voudra dénicher des cieux tous les dieux…

Ce monde rien ne prêtant ne sera qu’une chiennerie, qu’une brigue plus anormale que celle du recteur de Paris, une diablerie plus confuse que celle des jeux de Doué. Entre les humains, l’un ne sauvera l’autre ; il aura beau crier à l’aide, au feu, à l’eau, au meurtre, personne n’ira au secours. Pourquoi ? il n’avait rien prêté, on ne lui devait rien, personne ne pâtit de sa con-