Page:Nonnos - Les dionysiaques ou Bacchus, poème en 48 chants, trad Marcellus, 1856.djvu/76

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la nymphe enceinte d’un double et divin fardeau, et fit briller le Taureau, époux constellé, aux pieds du Cocher dans la sphère. Là, replié sur ses genoux, il paraît au printemps derrière le Soleil et protège les premières rosées ; puis, il se montre à demi plongé dans la mer, tendant le pied droit à Orion ; et le soir, précipitant sa course, il devance le Cocher, son compagnon, qui se lève à coté de lui. Telle est a place dans les cieux.

Cependant Typhée ne devait pas conserver longtemps les armes de Jupiter ; le fils de Saturne quitta le pôle arrondi pour aller sur la montagne au-devant de Cadmus, qui cherchait sa sœur à l’aventure. Éros[1] est avec lui ; tous deux méditaient, dans une pensée artificieuse, la mort de Typhée, condamné par les Parques inexorables ; alors il détermine, dans sa sagesse, que le berger Pan, qui l’accompagne, lui livrera des boeufs, des brebis, des troupeaux de chèvres aux belles cornes, et qu’il dressera sur le sol une cabane de roseaux attachés par des liens circulaires. Il veut que, revêtant Cadmus d’un habit pastoral sous une forme méconnaissable, Pan en fasse un faux berger sous ce costume menteur ; il veut encore qu’il prête à l’habile musicien la flûte astucieuse qui doit amener la mort de Typhée. Dans ce dessein, Jupiter appelle à la fois le pasteur supposé et le générateur ailé de l’espèce humaine ; puis il leur tient ce commun langage :

« Cher Cadmus, fais entendre ta flûte, et les cieux s’apaiseront. Tu tardes, et l’Olympe souffre. Car Typhée s’est emparé de mes armes célestes, et ne m’a laissé que mon égide. Or, que peut-elle cette égide, contre la foudre entre les mains de Typhée ? Je crains, je l’avoue, les railleries du vieux Saturne, l’orgueil et les gestes méprisants de mon ennemi le noble Japet. Je crains aussi que, dans la Grèce, mère des fables, une langue maligne (quel déshonneur pour mon nom !) n’invoque Typhée, maître de la pluie et souverain des cieux. Sois berger pendant une seule aurore, et viens aider le pasteur du monde de ta musette pastorale qui fait oublier le chagrin. Tu m’empêcheras d’entendre le bruit des nuages assemblés par Typhée, et son tonnerre imposteur. Je le dompterai alors, malgré l’attaque de ses éclairs et l’assaut de ses foudres. Si donc le sang de Jupiter et d’lo, fille d’lnachus, coule dans tes veines, va séduire Typhée par les sons bienfaisants de ton adroite flûte. Pour ta récompense méritée, tu recevras un double présent ; car je ferai de toi le sauveur de l’harmonie du monde et le mari d’Harmonie.

« Et toi, Éros, fondateur primitif du fécond mariage, bande ton arc ; et le globe, rentré dans l’ordre, se raffermira. Charme dominateur de la vie, si tout vient de toi, lance encore une flèche, et tout sera préservé. Dieu du feu, consume Typhée, et que par toi la foudre brûlante revienne en mes mains. Maître de tous, n’en frappe qu’un seul ; ta douce étincelle triomphera de celui que Jupiter n’a pu vaincre ; fais enfin que la voix de Cadmus ait

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