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LE MYSTICISME

forment, pour la propagation d’une onde d’excitation, une route déterminée, une habitude de marche. Ce sont toujours les mêmes cellules nerveuses qui s’envoient réciproquement leurs excitations, une aperception éveille toujours les mêmes suites d’aperceptions et apparaît toujours accompagnée par elles dans la conscience. Ce fait s’appelle association d’idées.

Ce n’est ni l’arbitraire ni le hasard qui déterminent à quelles autres cellules une cellule excitée envoie routinièrement son excitation, quelles aperceptions d’accompagnement une aperception éveillée amène avec elle à la conscience. L’enchaînement des aperceptions est au contraire soumis à des lois que Wundt, notamment, a bien résumées.

Quiconque n’est pas né aveugle et sourd, comme l’infortunée Laure Bridgman que citent tous les psychologues, ne sera jamais frappé par une seule excitation périphérique, mais toujours par beaucoup à la fois. Chaque phénomène du monde extérieur a, en règle générale, non une seule qualité, mais plusieurs, et comme ce que nous nommons qualité est la cause présumée d’une excitation sensorielle donnée, cela veut dire que les phénomènes s’adressent habituellement à plusieurs sens à la fois, qu’ils sont à la fois vus, entendus, sentis, et à la fois vus à des degrés divers de luminosité et de coloration, entendus avec des timbres différents, etc. Les phénomènes peu nombreux qui n’ont qu’une seule qualité et par conséquent n’excitent qu’un seul sens, — le tonnerre, par exemple, qui est seul entendu, quoique avec beaucoup de gradations, — apparaissent eux-mêmes accompagnés d’autres phénomènes : ainsi, avec le tonnerre, pour nous en tenir à cet exemple, il y a