Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
LE MYSTICISME

C’est une particularité de la cellule cérébrale, qu’avec une aperception elle élabore toujours en même temps aussi le contraire de celle-ci. Vraisemblablement ce que nous percevons comme contraire n’est, dans sa forme primitive et la plus simple, que la conscience de la cessation d’une aperception déterminée. De même que l’épuisement des nerfs visuels par l’effet d’une couleur éveille en eux la sensation de la couleur complémentaire, ainsi, dans l’épuisement d’une cellule cérébrale par l’élaboration d’une aperception, l’aperception opposée semble être entraînée dans la conscience. Que cette interprétation soit juste ou non, le fait lui-même est établi par le « double sens contraire des racines primitives », trouvé par K. Abel [1]. Le contraste est la troisième cause d’association des idées.

Beaucoup de phénomènes apparaissent dans le même espace collatéralement ou successivement, et nous associons l’idée d’un endroit donné à des objets auxquels il sert habituellement de cadre. Simultanéité, ressemblance, contraste et apparition dans le même espace sont en conséquence, d’après Wundt, les quatre conditions auxquelles les phénomènes sont liés dans notre conscience par l’association des idées. James Sully a cru devoir en ajouter une cinquième : le fait que des aperceptions ont leur racine dans une même émotion [2]. Mais dans tous les exemples apportés par l’éminent psychologue anglais, on peut démontrer aisément l’existence d’une ou de plusieurs des lois de Wundt.

  1. Karl Abel, Sur le double sens contraire des racines primitives (en allemand). Leipzig, 1884,
  2. James Sully, Les Illusions des sens et de l’esprit. 2e édition, Paris, 1889.