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LE MYSTICISME

besoin de nourriture, c’est-à-dire si nous avons faim, nous n’avons pas seulement conscience en général d’un désir obscur d’aliments, mais il naît aussi dans notre esprit des représentations déterminées de mets, de tables servies, de tous les accessoires qui jouent un rôle dans le repas. Si pour une raison quelconque, peut-être à cause d’une maladie de cœur ou de poumons, nous ne pouvons pas bien respirer, nous n’éprouvons pas seulement une avidité d’air, mais nous avons aussi des représentations secondaires de nature anxieuse, pressentiments de dangers d’espèce inconnue, réminiscences mélancoliques, etc., c’est-à-dire des représentations de phénomènes qui habituellement arrêtent ou gênent la respiration. Dans le sommeil aussi, les excitations organiques exercent cette influence sur l’écorce cérébrale, et nous leur devons les rêves somatiques, c’est-à-dire ceux qui se rapportent à l’activité des organes qui se trouvent justement dans un état anormal.

Or, on sait que certains centres nerveux organiques, notamment les centres sexuels dans la moelle épinière et la moelle allongée, sont chez les dégénérés fréquemment mal formés ou pathologiquement surexcités. Les excitations qui en partent éveillent en conséquence, dans le cerveau d’un dégénéré de cette espèce, des aperceptions en rapports étroits ou lointains avec la sexualité, et ces aperceptions sont durables, parce que durables également sont les états d’excitation qui les occasionnent. Dans la conscience d’un tel dégénéré subsistent donc constamment, à côté des autres aperceptions qu’éveillent les excitations changeantes du monde extérieur, des aperceptions du domaine de la sexualité, et il rattache à chaque impres-