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LE MYSTICISME

Ruskin, le déclin de l’art commence, pour les préraphaélites, avec Raphaël. Les raisons en sont claires. Imiter Cimabue et Giotto, cela est relativement facile. Pour imiter Raphaël, on doit soi-même pouvoir dessiner et peindre dans la perfection, et c’est ce qu’étaient incapables de faire les premiers membres de la « Fraternité «. De plus, Raphaël vivait au plus beau moment de la Renaissance. L’aurore de la pensée nouvelle rayonne dans son existence et dans ses œuvres. Dans sa liberté d’esprit de « cinquecentiste » émancipé, il ne peignait plus seulement des sujets religieux, mais aussi des sujets mythologiques et historiques, — les mystiques disent : des sujets profanes. Ses tableaux ne font plus seulement appel à la ferveur religieuse, mais aussi au sens de la beauté. Ils ne servent plus exclusivement Dieu ; en conséquence, ils servent le diable, dit Ruskin et répètent ses disciples, et sont par là condamnables. Enfin, il était conforme à la tendance de contradiction et de négation du notoire dominant toute l’intellectualité des imbéciles , qu’ils déclarassent faux justement celui des dogmes de l’histoire de l’art qu’on avait toujours considéré comme le plus incontestable. Tout le monde disait depuis trois siècles : « Raphaël est le point culminant de la peinture ». A cela ils répondirent : « Raphaël marque le point où la peinture est tombée le plus bas ». Et ainsi il advint que, dans la désignation qu’ils s’attribuèrent, ils firent précisément allusion à Raphaël et non à un autre maître ou à une autre période de l’histoire de l’art.

Il ne faut attendre de la pensée mystique ni logique ni unité. Il est conforme à sa nature dé se mouvoir dans