ils y buvaient des bocks, fumaient et faisaient des calembours très tard jusque dans la nuit ou même jusqu’au matin, se répandaient en abominations sur les écrivains reconnus et faisant de l’argent, et vantaient leurs propres talents, encore inconnus du monde. Ceux qui y tenaient avant tout le crachoir étaient Émile Goudeau, hâbleur dont on ne connaît que quelques vers satiriques niais, Maurice Rollinat, l’auteur des Névroses, et Edmond Haraucourt, maintenant au premier rang des mystiques français. Ils se nommaient eux-mêmes les « hydropathes », mot absolument dépourvu de sens, né manifestement d’une réminiscence obscure des deux mots « hydrothérapie » et « névropathes », et qui, avec le vague qui caractérise la pensée mystique des faibles d’esprit, devait sans doute n’exprimer que l’idée générale de gens dont la santé n’est pas satisfaisante, qui se sentent souffreteux et suivent un traitement [1]. En tout cas, le nom choisi par eux-mêmes implique la vague conscience et l’aveu d’un état d’ébranlement nerveux. Le groupe possédait aussi une petite feuille hebdomadaire, Lutèce, qui mourut au bout de quelques numéros.
Vers 1884, la société quitta son établissement habitué et dressa sa tente au « café François Ier », boulevard Saint-Michel. Ce café est arrivé à une haute célébrité : il fut le berceau du symbolisme. Il continue à être le temple de quelques jeunes ambitieux qui espèrent obtenir, en se rangeant sous la bannière de l’école symbolique, les avan-
- ↑ L’histoire des commencements de ce groupe a été écrite par un de ses adhérents, Mathias Morhardt. Voir Les Symboliques. Nouvelle Revue du 15 février 1892, p. 765.