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LE MYSTICISME

poings tendus et de leurs yeux menaçants et n’osaient pas s’attaquer à eux ; la basse matoiserie des intrigants espérant faire de bonnes affaires s’ils spéculaient sur la hausse des actions du symbolisme. C’est ainsi que les pires et les plus méprisables traits de caractère des rédacteurs, des critiques, des écrivains avides de succès et des liseurs de journaux, concoururent à faire connaître, et, en partie même, à rendre célèbres les noms des habitués du « François 1er », et à éveiller dans la tête de beaucoup d’imbéciles des deux mondes la conviction que leur tendance domine la littérature du temps présent et renferme en elle tous les germes de l’avenir. Ce triomphe du symbolisme signifie la victoire de la bande sur l’individu. Il démontre la supériorité de l’attaque sur la défense, et l’efficacité de l’assurance mutuelle de réclame, même avec les aptitudes les plus chétives.

Si dissemblables qu’elles puissent être, les œuvres des symbolistes ont entre elles deux caractères communs : elles sont obscures, souvent jusqu’à l’incompréhensibilité, et elles sont dévotes. Après tout ce qui a été dit ici sur les particularités de la pensée mystique, leur obscurité ne saurait étonner. Quant à leur piété, elle a atteint une importance qui oblige à l’examiner de près.

Quand, dans les dernières années, parut toute une série de mystères, jeux de la Passion, légendes de saints et cantates ; quand, les uns après les autres, une douzaine, deux douzaines de nouveaux poètes et écrivains firent, dans leurs premières poésies, romans et articles, de brûlantes professions de foi religieuse, invoquèrent la Sainte Vierge, parlèrent extatiquement du sacrifice de la messe et s’agenouil-