tenant : ou nous devons, pour pouvoir affirmer sérieusement l’existence de ce quelque chose, en avoir une connaissance quelconque, si légère et si peu nette soit-elle, ce qui prouverait alors que ce quelque chose ne peut pas être inconnaissable, puisque nous le connaissons effectivement, et rien en ce cas ne justifierait l’affirmation a priori que notre connaissance actuelle de l’objet, si faible soit-elle, ne s’élargira ni ne s’approfondira jamais ; ou nous n’avons aucune idée, pas même la plus faible, de l’inconnaissable du philosophe, et dans ce cas il ne peut exister pour nous ; toute la notion repose sur le néant, et le mot est une création oiseuse de la fantaisie qui se donne carrière. On peut dire la même chose de l'Ignorabimus. C’est le contraire de la science. Ce n’est pas la conclusion logique de prémisses bien fondées, ce n’est pas le résultat de l’observation, mais une prophétie mystique. Personne n’a le droit de donner pour des faits des renseignements sur l’avenir. La science peut indiquer ce qu’elle sait aujourd’hui ; elle peut aussi désigner exactement ce qu’elle ne sait pas. Mais dire ce qu’elle saura ou ne saura pas un jour, ce n’est pas sa fonction.
Certes, celui qui exige de la science qu’elle réponde imperturbablement et audacieusement à toutes les questions des esprits désœuvrés ou inquiets, celui-là sera nécessairement déçu par elle, car elle ne veut ni ne peut satisfaire à ses exigences. La théologie, la métaphysique ont naturellement un rôle plus facile ; elles inventent un conte quelconque et le débitent avec un sérieux abasourdissant ; si on ne veut pas les en croire, elles insultent et
menacent le client indiscipliné, mais elles ne peuvent rien lui prouver,