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LES SYMBOLISTES

tranche-montagne du progrès et de l’émancipation intellectuelle. Aujourd’hui, les cercles sociaux qui font la mode, et les feuilles qui cherchent à leur plaire, décrètent que ce n’est plus la science, mais la foi, qui est le « chic » ; aussitôt les faits-divers des feuilles boulevardières racontent de petites histoires piquantes sur les prédicateurs ; dans les romans-feuilleton on cite l’Imitation de Jésus-Christ ; les inventeurs se présentent avec de riches prie-Dieu et de recommandables chapelets, et le philistin sent avec une profonde émotion la fleur merveilleuse de la foi germer et s’épanouir dans son cœur. Quant à ses réels adeptes, la science n’en a guère perdu un seul. En revanche, il est naturel que la plèbe des salons, pour laquelle elle n’a jamais été qu’une affaire de mode, lui tourne le dos, sur le simple mot d’ordre d’un tailleur ou d’une modiste.

Voilà pour le néo-catholicisme que l’on veut donner, soit pour des raisons de parti, soit par ignorance et par snobisme, comme un mouvement intellectuel sérieux de l’époque.

Le symbolisme, toutefois, ne prétend pas être seulement un retour à la foi, mais aussi une nouvelle théorie de l’art et de la poésie. Examinons donc également ce côté de son essence.

Si nous voulons tout d’abord savoir ce que les symbolistes se représentent sous le nom de symbole et de symbolisme, nous nous heurtons aux mêmes difficultés que lorsqu’il s’est agi de déterminer le vrai sens de préraphaélisme, et cela pour la même raison : c’est que les inventeurs de ces dénominations ont pensé à cent choses différentes, contradictoires entre elles et peu claires, ou même n’ont