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FIN DE SIÈCLE

sentant des scènes de brasseries et d’estaminets rustiques, et passent sans un regard devant les peintres du plein air. Une toute petite minorité seule trouve un plaisir sincère aux nouvelles tendances et les annonce avec conviction comme les seules justifiées, les seules conduisant à l’avenir, les seules faites pour plaire et pour édifier. Mais cette minorité a le don d’occuper toute la surface visible de la société, de même qu’une très petite quantité d’huile est capable de couvrir de larges étendues de mer. Elle se compose en grande partie de gens riches et distingués ou de fanatiques. Ceux-là donnent le ton à tous les fats, imbéciles et pauvres d’esprit ; ceux-ci impressionnent les faibles et les gens qui ne pensent pas par eux-mêmes, et intimident les peureux. Tous les snobs feignent d’avoir le même goût que la minorité exclusive qui, faisant bande à part, passe avec des airs de profond mépris devant tout ce qui jusqu’à présent a été réputé beau ; et c’est ainsi que l’humanité civilisée tout entière semble convertie à l’esthétique du Crépuscule des Peuples.