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LES PARODIES DU MYSTICISME
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spirites ; l’expression anglaise trance y est devenue si familière à quelques détraqués, qu’ils l’ont traduite en allemand par trans, en s’imaginant vraisemblablement, avec l’étymologie populaire, qu’elle signifiait « au-delà », tandis qu’elle est en réalité le mot anglais qui désigne l’ « extase », c’est-à-dire l’état dans lequel doit, d’après l’hypothèse des spirites, se trouver le médium qui entre en communication avec le monde des esprits ; mais le spiritisme a exercé encore peu d’influence sur notre littérature. Abstraction faite des derniers romantiques tombés dans l’enfance, notamment des auteurs de tragédies reposant sur l’idée de « la fatalité » (Schicksalstragœdien), peu d’écrivains ont osé introduire dans leurs créations le surnaturel autrement que sous forme de symbole. C’est au plus si, chez Henri de Kleist et Justinus Kerner, il prend une certaine importance, et les lecteurs sains ne considèrent pas cela comme un avantage pour les drames de l’auteur infortuné de La Bataille d’Hermann et pour La Voyante de Prevorst du poète souabe. D’autre part, il convient d’observer que l’élément spectral a précisément valu à ces deux écrivains, dans ces derniers temps, auprès des dégénérés et des hystériques allemands, un regain de jeunesse et de faveur. Maximilien Perty, qui vint évidemment trop tôt, ne rencontra de la part de la génération encore insuffisamment ramollie qui précéda la nôtre, avec ses épais volumes sur les apparitions des esprits, qu’une attention rare et plutôt moqueuse ; et, parmi les contemporains, il n’y a guère que le baron Karl du Prel qui se soit fait une spécialité du monde des revenants dans ses écrits théoriques et dans ses romans. Tout compté, nos œuvres dramatiques et