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ÉTIOLOGIE

Mais il est inutile de remonter jusqu’à l'année 1822 choisie par le professeur Hofmann ; arrêtons-nous, pour la comparaison avec le présent, à l’année 1840. Ce n’est pas arbitrairement que nous prenons cette année-là. C’est environ le moment où est née la génération qui a assisté à l’irruption des nouvelles découvertes dans tous les ordres d’idées et de faits et subi en personne les transformations qui en sont la conséquence. Cette génération règne et gouverne aujourd’hui, elle donne partout le ton, et elle a pour fils et pour filles la jeunesse européenne et américaine, dans laquelle les nouvelles tendances esthétiques trouvent leurs fanatiques partisans. Comparons maintenant comment les choses se passaient en 1840 et un demi-siècle plus tard dans le monde civilisé [1].

En 1840, il y avait en Europe 3000 kilomètres de chemins de fer ; en 1890, il y en a 218 000 kilomètres. Le chiffre des voyageurs se montait en 1840, pour l’Allemagne, la France et l’Angleterre, à 2 millions et demi ; en 1891, il est de 614 millions. En Allemagne, chaque habitant recevait, en 1840, 85 lettres, en 1888, 200. En 1840, la poste distribuait, en France, 94 millions de lettres ; en Angleterre, 277 millions ; en 1881, 595 millions dans le premier pays, et 1299 dans le second. Les envois de lettres de tous les pays réunis, en dehors

  1. Pour ne pas rendre trop lourdes les notes au bas des pages, j’indique ici que les chiffres suivants sont empruntés en partie à des communications de M. Joseph Körösi, en partie à une remarquable étude de M. Charles Richet : Dans cent ans (Revue scientifique, années 1891 et 92), et en partie moindre à des publications particulières, comme L'Annuaire de la Presse, Press Directory, etc. Pour certains chiffres nous avons mis aussi à profit Mulhall et le discours au Reichstag de M. de Stephan, 4 février 1892.