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FIN DE SIÈCLE

rience, qui s’étend maintenant sur un quart de siècle, me porte à croire qu’hommes et femmes recherchent maintenant le secours des lunettes à une période de leur vie moins avancée que ne le faisaient leurs ancêtres… Cette moyenne est maintenant près de quarante-cinq ans ». Les dentistes établissent que les dents se gâtent et tombent plus vite que jadis. Le Dr Lieving assure que la calvitie précoce est « surtout le propre des gens de tempérament nerveux et d’esprit actif, mais de santé générale faible ». On n’a qu’à passer en revue le cercle de ses amis et connaissances, pour remarquer que l’on commence à grisonner bien plus tôt qu’autrefois. La plupart des hommes et des femmes découvrent aujourd’hui leurs premiers cheveux blancs au commencement de la trentaine, et beaucoup bien plus jeunes encore. Jadis le cheveu blanc était l’accompagnement de la cinquantaine.

Tous les symptômes énumérés sont des conséquences d’états de fatigue et d’épuisement, et ceux-ci à leur tour sont l’effet de la civilisation contemporaine, du vertige et du tourbillonnement de notre vie enragée, du nombre prodigieusement accru de sensations et de réactions organiques, c’est-à-dire de perceptions, de jugements et d’impulsions motrices qui se pressent aujourd’hui dans une unité de temps donnée. A cette cause générale des phénomènes pathologiques contemporains s’ajoute encore en France une cause particulière. Par les épouvantables pertes de sang que le corps national français avait subies dans les vingt années de guerres napoléoniennes, par les violents ébranlements moraux auxquels il avait été soumis lors de la grande Révolution et pendant la durée de