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ÉTIOLOGIE

cipation intellectuelle, etc., et ont ainsi l’apparence d’être pénétrés des idées et tendances du temps présent. Mais ce n’est qu’une vaine apparence. Les mots à la mode sont piqués çà et là dans l’œuvre sans y avoir leur racine, les tendances de l’époque y apparaissent seulement comme un badigeon extérieur. C’est un phénomène observé dans tout délire, qu’il reçoit sa coloration particulière du degré de culture du malade et des idées dominantes de l’époque dans laquelle il vit. Le catholique en proie à la folie des grandeurs se tient pour le pape, le juif pour le Messie, l’Allemand pour l’empereur ou un feld-maréchal, le Français pour le président de la République. Dans la folie de la persécution, le malade accusait autrefois la méchanceté et les mauvais tours des envoûteurs et des sorcières ; aujourd’hui il se plaint que ses ennemis imaginaires lui envoient des courants électriques dans les nerfs et le tourmentent avec le magnétisme. Les dégénérés radotent aujourd’hui de socialisme et de darwinisme, parce que ces mots, et, dans le meilleur cas, les idées aussi qui s’y rattachent, leur sont familiers. Ces œuvres soi-disant socialistes et libres penseuses de dégénérés favorisent aussi peu le développement de la société vers des formes économiques plus équitables et des vues plus raisonnables sur le mécanisme du monde, que les plaintes et les peintures d’un individu atteint de la folie de la persécution, qui rend l’électricité responsable de ses sensations désagréables, ne contribuent à la connaissance de cette force. Ces œuvres confuses ou platement bavardes, qui ont la prétention d’apporter des solutions aux graves questions de notre temps ou du moins de les préparer, forment même