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DIVERS PETITS MENSONGES

I

Le fait que l’homme, semblable aux animaux qui vivent en troupeaux, a besoin de vivre en commun avec ses semblables, peut seul nous faire comprendre quelques-unes de ses particularités les plus primitives et les plus essentielles. Celles-ci resteraient absolument inexplicables, si nous devions voir en lui un être solitaire et indépendant par nature, et si jamais avait été vrai le tableau que des anthropologistes mal informés, mais doués d’une vive imagination, nous ont tracé de l’homme primitif : ils nous le montrent comme un chasseur sauvage, ennemi de l’espèce, errant seul à travers les forêts, armé d’une hache et d’un couteau de pierre. C’est uniquement sur son besoin de vivre en société qu’est fondé son instinct de solidarité ; l’éducation égoïste donnée par la civilisation a pu affaiblir et obscurcir cet instinct, mais non pas le supprimer. Cet instinct serait sans but et par conséquent non justifié chez un être que sa nature et ses besoins porteraient à une existence solitaire, sans aucune relation avec d’autres hommes, et occupé seulement à