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EINSTEIN ET L’UNIVERS.

compliqués des raisonnements superposés, avec une rapide hardiesse que ne connaissent pas la lourdeur et la lenteur mérovingiennes des syllogismes exprimés par des mots.

Si paradoxal que cela puisse paraître à ceux qui considèrent les mathématiques comme étant par elles-mêmes une source de découverte, on n’en sortira jamais autre chose que ce qui était implicitement inhérent aux données jetées dans la double mâchoire des équations. Pour employer une image triviale qu’on me pardonnera, j’espère, les raisonnements mathématiques sont tout à fait analogues à ces machines qu’on voit à Chicago — à ce que disent les hardis explorateurs de l’Amérique, — à l’entrée desquelles on met des bestiaux vivants et qui restituent à la sortie d’odorantes charcuteries. Nul parmi les spectateurs n’eût pu ou du moins n’eût voulu tenter d’absorber l’animal vivant, tandis que, sous la forme où il se présente à la sortie, il est immédiatement assimilable et digéré. Pourtant ceci n’est que cela convenablement trituré. Ce n’est pas autre chose que font les mathématiques. Elles extraient des données toute leur substantifique moelle, par le moyen d’une machinerie merveilleuse. Celle-ci est efficace là où les rouages du raisonnement verbal, là où l’imbrication des syllogismes seraient bientôt arrêtés et coincés.

Faut-il en conclure que les mathématiques ne sont pas, à proprement parler, des sciences ? Faut-il du moins en conclure qu’elles ne sont sciences qu’autant