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LA SCIENCE DANS UNE IMPASSE.

Micromégas, avant que de quitter, pour nous faire visite, sa planète d’origine, aurait donc pu, par des moyens optiques, constater que notre globe est raccourci de quelques centimètres dans la direction de son orbite, supposé que l’aimable héros voltairien fût muni d’appareils de triangulation infiniment plus précis que ceux de nos géodésiens et de nos astronomes. Arrivé sur la Terre, Micromégas, muni des mêmes appareils précis, eût été dans l’impossibilité de constater à nouveau ce raccourcissement. Il en eût éprouvé assurément une grande surprise jusqu’à ce que, rencontrant Einstein, celui-ci lui eût expliqué, — comme il fera pour nous, — et élucidé le mystère.

Mais je n’ai hélas ! pas le loisir ni l’espace, — car c’est ici surtout que l’espace est relatif et sans cesse raccourci par le mouvement même de la plume, — pour décrire ce qu’aurait pu être le dialogue de Micromégas et d’Einstein. Peut-être d’ailleurs, pour rester dans la vraisemblance du pastiche, ce dialogue eût-il été fort superficiel, car — ceci dit confidentiellement, — je crois bien que Voltaire, encore qu’il en ait fort discuté, n’a jamais trop bien compris Newton, lequel était moins difficile qu’Einstein. Mme du Chatelet non plus, dont on a vanté à tort la traduction des Principes… des immortels Principes… Cette traduction fourmille de non-sens prouvant que, si elle savait bien le latin, l’Égérie du philosophe n’entendait guère le Newton. Mais tout ceci est une autre affaire, comme dit Kipling.