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Page:Normand - Le Laurier sanglant, 1916.djvu/87

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— Il faisait déjà noir, — assis sur une pierre,
Le menton dans la main, les cheveux blonds, flottants,
Un gars de nos pays d’environ dix-huit-ans.
Pensif, il regardait la profonde vallée
Des vapeurs de la nuit déjà presque voilée.
À l’horizon lointain, derrière la forêt
Au milieu des sapins le soleil se mourait ;
En bas, les feux du bourg perçant la brume sombre
Comme des yeux sanglants resplendissaient dans l’ombre.
Le silence partout tombait avec la nuit :
Seul arrivait à nous le monotone bruit
Du torrent descendant la côte avec furie,
Et, plus bas, l’éternel tic-tac d’une scierie.

— « Garçon ! que fais-tu là ? demandai-je ; veux-tu
Me répondre ?… Relève un peu ce front têtu… »
Il tressaillit soudain, comme éveillé d’un rêve,
Ramassa son bâton, et d’une voix très brève :
« Je quitte le pays, dit-il, et dès demain
Je veux être à Belfort. — Mais, petit, le chemin