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sarcophage est celui dont nous donnons la gravure ; le même qui, le 27 juillet 1791, fut placé sur le char funèbre qui transporta les dépouilles du grand homme de l’église de Romilly, située dans le département de l’Aube, au Panthéon français, où l’appelait le décret de l’assemblée nationale du 30 mai 1791.

Sur l’élévation postérieure, que nous ne reproduirons pas, on lit : Il combattit les athées et les fanatiques, il inspira la tolérance, il réclama les droits de l’homme contre la servitude de la féodalité ; et, sur l’autre élévation latérale : Il défendit Calas, Sirven, de la Barre, Montbailly. Ce monument provisoire, comme nous aimons à le croire, a été exécuté sur les dessins de M. Hubert, architecte. Déposé d’abord à Romilly, puis dans l’église souterraine de Sainte-Geneviève, qui venait d’être transformées en Panthéon, il fut quelques armées à l’abri de la détérioration que la fragilité de ses matériaux devait faire craindre ; mais sous le dernier règne des jésuites, le tombeau d’un homme qui avait mis au grand jour les turpitudes de leur ordre ne pouvait trouver grâce à leurs yeux, et, le 29 décembre 1821, il fut relégué avec celui de J.-J. Rousseau, dont nous parlerons bientôt, dans le caveau privé d’air qui est indiqué sur la portion du plan souterrain gravée sur notre planche. L’entrée de ce caveau fut murée. Cette précaution infernale donna une action telle à l’humidité, que le 20 août 1830, lorsqu’on voulut remettre ces tombeaux à leur place d’honneur dans l’église souterraine du Panthéon, les plus grandes précautions ne purent qu’en partie les préserver de la ruine.



Planche 50


Ce que nous avons dit à l’occasion du tombeau de Voltaire s’applique naturellement à celui de J.-J. Rousseau, qui offre un autre exemple de cette insouciance impardonnable que montrent les Français pour les cendres de leurs grands hommes. Le philosophe de Ferney, comme le philosophe de Genève, reposent au Panthéon dans des sarcophages en bois et en plâtre. Espérons que notre nouveau gouvernement réparera bientôt l’injustice des précédens, et que cette inscription : Aux grands hommes, la patrie reconnaissante, qu’on lit sur le frontispice du Panthéon, cessera d’être une vaine démonstration. Si, par sa matière, le tombeau de J.-J. Rousseau est indigne du personnage dont il contient les dépouilles mortelles, sous le rapport de l’art, il a un véritable mérite, celui de rappeler sans équivoque l’esprit, les mœurs, le caractère de J.-J. Rousseau. La chaumière sous laquelle il trouva ses plus nobles inspirations, la mère allaitant elle-même ses enfans, la nature dévoilée offerte à tous les regards, ces personnages de tous les sexes, de tous les âges, qui viennent répandre des fleurs sur le simulacre de son tombeau, enfin, cette main armée d’un flambeau qui sort d’une porte entr’ouverte, comme pour éclairer le monde dans les âges futurs, sont des allusions aussi ingénieuses que significatives, dont toutes les personnes qui ont lu les œuvres de J.-J. Rousseau apprécieront la justesse. La composition de ce monument classe son auteur feu M. Thibault, architecte, au rang des poètes si comme nous le croyons, la pensée à la prééminence sur l’exécution dans les arts. Le 13 octobre 1791 est la date de la translation au Panthéon du tombeau de J.-J. Rousseau.



Planche 51


Après que l’assemblée nationale eut décrété, en 1791, que l’église nouvelle de Sainte-Geneviève recevrait dans son sein les restes mortels des grands hommes de la France, et serait ainsi transformée en Panthéon, il ne fut fait aucuns travaux pour recevoir dignement la tombe des personnages qu’elle voulait honorer. Ce n’est que lorsque Napoléon, en 1806, ordonna que tous les grands dignitaires de l’empire seraient transportés après leur mort dans ce temple privilégié, qu’on disposa à cet usage vingt-quatre caveaux semblables à celui dont nous donnons les détails. Ils ont été disposés de manière à pouvoir contenir chacun onze cercueils et deux urnes. Au dessus de la porte de chaque caveau est appliqué sur des tables, et en relief, le chiffre chrétien et symbolique gravé sur la tombe des martyrs enterrés dans les catacombes de Rome. Ces mêmes chiffres devaient être figurés en verre de couleur sur les vitraux qui auraient fermé les soupiraux des différens caveaux ; mais le besoin de laisser circuler l’air dan ces souterrains, a fait abandonner ce projet. La place circonscrite que chaque monument funéraire doit occuper dans les caveaux, limite singulièrement la forme que chacun peut avoir. Aussi ces monumens ont-ils entre eux une ressemblance presque inévitable. Ceux du duc de Montébello, par M. Rondelet fils, et de Soufflot, par M. Baltard, gravés sur cette planche, occupant une place particulière dans l’église souterraine, sortent des données du programme ordinaire. Le premier est en bois peint en marbre, autre exemple de cette ignoble parcimonie que nous avons déjà eu l’occasion de blâmer ; sur l’élévation postérieure on lit ces mauvais vers :

Dans les champs des combats, héros fier et terrible,
Et dans ceux de Cerès, nouveau Cincinnatus,
Au sein de sa famille, époux, père sensible,
A la cour il aime dans son maître un Titus.

Celui de Soufflot est plus décent, il est au moins en pierre : peut-être même, pour un architecte, cette modeste manière convient-elle mieux que le marbre le plus précieux. M. Plantar, dans les ornemens dont il l’a décoré, a donné une nouvelle preuve de son précieux talent.

A la mort de Germain Soufflot, le 29 août 1780, on voulut l’inhumer dans cette église de Sainte-Geneviève, dont la conception et l’exécution devaient l’illustrer à jamais. Mais l’état peu avancé des constructions fit ajourner ce projet qui ne fut réalisé que le 19 février 1829. Jusque-là son cercueil resta déposé dans le caveau sépulcral de l’église des génovefins. La translation du corps de Soufflot au Panthéon se fit avec pompe, au milieu d’une foule d’artistes, de membres de toutes les sociétés savantes d’amis et de parens qui saisirent cette occasion de rendre un nouvel hommage au talent et au caractère honorable de cet architecte distingué.