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« Voilà les hommes ! » comme a dit Rostand dans Chantecler.

Dans le vaste hall, après un déjeuner intime, deux ménages amis causent doucement. Ce sont des ménages un peu vieillissants. Les hommes naviguent autour de la soixantaine ; les femmes font escale — pour quelques années — à quarante-neuf ans. On parle un peu du passé, beaucoup du présent, encore plus de l’avenir. On fait de beaux projets. On oublie les cheveux gris poussés aux tempes ; on oublie les fatigues, les défaillances, les luttes de la vie ; on oublie ce qu’on était tous les quatre, dans ce même hall, dans ces mêmes fauteuils, voilà vingt-cinq ans. On oublie tout…

Soudain, la causerie s’arrête. Un silence s’établit, se prolonge. Un souffle d’air, venant d’une porte entr’ouverte, traverse la pièce, agite les feuilles d’un palmier. Une tristesse