Page:Normand - Soleils d’Hiver, 1897.djvu/44

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Mais belle, mais clémente et suavement douce,
Le front orné de fleurs et le regard ami,
Et vous prenant sans cris, sans lutte, sans secousse,
Comme on prend en ses bras un enfant endormi.

Vous qui reposez là, dans la fosse profonde,
Humbles morts — travailleurs obscurs — gens ignorés,
Qui n’aviez dans les yeux, en traversant ce monde,
Que les contours précis de vos champs labourés ;

Vous qui ne connaissiez, tout le long de la vie,
Que le souci de vivre, et pour seul horizon
Voyiez la côte raide et pesamment gravie
Chaque soir, pour rentrer en votre humble maison ;

Oh ! comme vous devez sommeiller plus tranquilles
Que les célèbres morts de notre grand Paris,
Paysans, au pays, loin du fracas des villes,
Fils du sol, en ce sol qui vous a tous nourris !

Si, les ans s’écoulant, hélas ! on vous oublie,
Si nul ne vient orner vos tombeaux délaissés,
Si vos âmes, errant avec mélancolie,
Voient qu’il n’est plus pour vous de jour des Trépassés,

Du moins vous sentez-vous en terre bonne et franche,
Près des cyprès poudreux et des frêles roseaux
Où jadis, tout gamins, par quelque clair dimanche,
Tous lanciez, en jouant, des pierres aux oiseaux !