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SÉBASTIEN-CHARLES LECONTE


HOMME ! REGARDE EN BAS !…

LE ROI SUR SA TERRASSE


Ô Maître centenaire assis sur ta terrasse !
Le Monde depuis tant de jours est sous ta loi
Qu’il a presque oublié quelle heure te fit Roi,
Et ton profond regard, où couve l’ombre, embrasse
Les horizons conquis par le glaive et la foi.

Des plateaux de l’Iran jusqu’au Touran des steppes,
Liant, comme des bœufs, les peuples subjugués,
Tu marches sur le front des despotes ligués ;
Les nomades ont fui comme un essaim de guêpes,
Tes tours veillent sur eux aux passages des gués.

Tu fus puissant ainsi qu’Assuérus, tu règnes
Comme ont régné Saül, Nemrod et Salomon ;
Ton palais, de son aire énorme, couvre un mont,
Et tu passes si grand, sous tes pourpres enseignes,
Qu’on te croit fils de la Sybille ou d’un Démon.

Au ciel où flamboyaient les destins de l’Empire,
Tu lisais autrefois les signes familiers,
Comme les mots inscrits aux grains de tes colliers…
Ce soir, sur les créneaux que frôle le vampire,
Tu vois les astres poindre en feux multipliés.

Mais ne reconnais-tu plus tes Dieux…. Tu les nommes
Pourtant du même nom dont tu les nommais, seul !
Ô toi, l’Aîné des Rois, toi l’Ancêtre et l’Aïeul !
Tu sens bien que tu dois mourir, comme les hommes,
Mais tu veux la nuit, tout entière, pour linceul.