Tu contemples la Nuit sacrée, ô chef des Mages !
À l’horizon, le noir désert, peuplé d’images,
Sous les embruns du sable ardent, écume et bout.
Entends monter le chant aigu des hiérodoules,
Les sistres mugir et ronfler les tympanons,
Les danses enchaîner la démence des foules,
Et gronder, submergeant la cime que tu foules,
La clameur, qui célèbre Isis aux mille noms ;
Pendant que, sur ton front, dans l’ombre plus opaque,
Le ciel tourne sur ses essieux de diamant,
Et que, sur l’épouvante et la joie orgiaque,
Liés aux moyeux d’or sanglant du zodiaque,
Douze monstres muets gardent le firmament.
Mais voici trop longtemps, ô Sage ! que tu veilles,
Que, chaque soir, tu viens songer sur ce haut lieu ;
Mais voici trop longtemps qu’à des heures pareilles,
Autour de toi, l’encens aux volutes vermeilles
Imprègne l’air brûlé de parfums et de feu,
Pour que toi, qui sais tant de choses, tu ne saches
Que cette porte est close où nos poings ont frappé…
Les victimes, en bas, baisent le fer des haches ;
C’est leur cri que tu fuis dans l’ombre où tu te caches,
Et tu pleures leur rêve impuissant et trompé.
Car la science amère est en toi descendue :
Tu connais maintenant que, si haut et si loin
Qu’elle s’élève au creux de la sourde étendue,
Notre plainte éternelle expire inentendue,
Et qu’il n’est à nos maux ni recours ni témoin.
Dis-le nous ! Nous pouvons enfin t’entendre. Essuie
Les larmes corrodant ta face aux plis de fer.
La flamme des autels n’est plus qu’un peu de suie,
Et, comme un arbre étrange aux bras chargés de pluie,
L’ouragan désolé s’est levé sur la mer.
Page:Normandy-Poinsot - Les Poètes sociaux.djvu/106
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée