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H. BERGSON

On peut présumer d’abord que ce processus est empi­rique, et qu’il s’agit pourtant ici d’une expérience qui n’a rien de commun avec les autres. Ce doit être une expé­rience de tous les instants, coextensive à la vie, essen­tielle à la vie. L’habitude, en général, s’exerce par inter­mittences. Si l’exigence de la causalité est une habitude, c’est une habitude continuellement active, comme celle de respirer, une habitude si profondément organisée en nous par cette continuité même que notre entendement, dès qu’il réfléchit sur elle, en tire une loi nécessaire. En second lieu, la relation causale devra rattacher entre eux les phénomènes du dehors, et néanmoins, en tant que nous établissons cette relation causale, il semble que nous ne restions pas extérieurs aux faits que la causalité relie : du moment que nous nous représentons cette causalité sous forme dynamique, c’est que nous la comparons au passage, intérieurement senti, de la décision à l’action, c’est que nous nous interposons, en quelque sorte, entre la cause et l’effet, prêtant à la cause quelque chose de notre effort (avec la liberté et la contingence en moins), ajoutant à cette cause la conscience que nous avons de la continuité de notre moi pour que la cause se prolonge dans son effet au lieu de le précéder simplement. Donc, la relation causale ne doit pas seulement être l’objet d’une expérience constante ; sous sa forme primitive, elle s’applique à des faits de telle nature qu’entre celui qui est déclaré cause et celui qui est considéré comme