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Ainsi se passa l’année 1850. Louis-Napoléon parcourait le pays, s’intéressant à la reprise des affaires, cherchant surtout à s’attirer les sympathies de l’armée. Déjà sur son passage le cri de « Vive l’empereur » commençait à retentir ; il n’y prenait pas garde et laissait approcher sans rien dire le terme légal de ses pouvoirs. Car, élu pour quatre ans, le président, d’après la Constitution de 1848, n’était pas rééligible.

Le pays s’alarma. Dès 1850, 52 Conseils généraux avaient réclamé la révision ; l’année suivante des pétitions se couvrirent de signatures. On voulait la rééligibilité du président. Lui voulait davantage. Il avait peu à peu tout préparé, déplaçant les fonctionnaires douteux, groupant autour de Paris les régiments fidèles. On arriva ainsi au 1er décembre 1851. Ce soir-là il y avait réception à l’Élysée. Le prince-président, calme et tranquille, vit partir les derniers invités, puis, à une heure du matin, donna le signal à ses amis… À l’aube, tout Paris était occupé, les clochers et les imprimeries gardés, l’Assemblée dissoute, une vingtaine de députés sous clef ; M. de Morny, installé dans le bureau du ministre de l’Intérieur, qu’il remplaçait, télégraphiait la nouvelle aux départements.

Louis-Napoléon, dans sa proclamation, annonçait au peuple le rétablissement du suffrage universel que l’Assemblée avait maladroitement annihilé peu auparavant en exigeant de l’électeur trois années minimum de résidence. Ainsi le président avait si bien manœuvré qu’il était devenu aux yeux de la bourgeoisie le défenseur de la propriété et aux yeux des ouvriers le champion de la démocratie.