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Les Gaulois, par leur goût légendaire pour l’éloquence étaient tout préparés à s’adonner au culte romain de la rhétorique. Ils fréquentèrent avec passion les nouvelles écoles municipales, puis les écoles supérieures, renonçant à leur idiome national qui n’était nullement proscrit mais dépérit de lui-même[1]. Les diverses formes de la langue celtique continuèrent d’être parlées comme le sont les patois familiers et au-dessus d’elles le latin régna. Jamais « l’art de bien dire » ne suscita plus d’ambitions et d’efforts. Les rhéteurs et les avocats gaulois acquirent une renommée mondiale. On peut regretter qu’ils n’aient pas brillé par une plus grande originalité.

La rhétorique romaine, comme l’architecture gréco-latine, avait posé des formules si péremptoires, si dominatrices, que nul ne songeait à s’en écarter. L’idée même d’une innovation possible en ces matières ne se présentait point aux esprits cultivés.

  1. Si la langue celtique n’a pas su résister (nous avons dit que l’enseignement des druides était exclusivement oral), il n’en va pas de même des noms de villes, de pays et de provinces. En vain Rome a-t-elle souvent rebaptisé les villes gauloises agrandies et embellies, les anciennes dénominations ont presque partout prévalu. Les Bituriges, les Arvernes, les Pictons, les Vénètes, les Carnutes, les Rèmes, les Turons, les Tricasses, les Bellovaks, les Ambiani ont donné leur nom au Berri, à l’Auvergne, au Poitou, aux pays de Vannes, de Chartres, de Reims, de Tours, de Troyes, de Beauvais, d’Amiens ; et les « Augusta » des Ausks, des Suessiones, des Lemoviks, sont redevenues Auch, Soissons, Limoges. Des divisions romaines — Narbonnaise ou Lyonnaise — il n’est rien resté. Peu à peu la géographie gauloise a reparu presque intacte.