Page:Noufflard - Lohengrin à Florence, 1888.djvu/17

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se dressait, et toute roidie elle fixait sur son époux des yeux hagards. Pendant tout le récit pas un geste, mais l’intensité croissante de son regard et le mouvement toujours plus agité de sa respiration, indiquaient un tel crescendo d’angoisse et de douleur passionnées que c’était là un des moments où Mlle Meyer s’élevait le plus haut. Mais elle a compris que durant ce récit, c’est sur le héros que doit se concentrer toute l’attention, et elle a renoncé à cet admirable jeu de scène, montrant ainsi une fois de plus qu’elle a vraiment l’âme d’une artiste.

En résumé. Mr Tobie Bertini et Mlle Isabelle Meyer se sont constamment oubliés eux-mêmes pour ne penser qu’à réaliser le drame de Wagner. C’est par là, suivant moi, qu’ils sont arrivés au comble de leur art. Quel a été ainsi leur part dans ce phénomène complexe qui est l’apparition de l'œuvre d’art dans la vie ? Ce n’est pas moi qui le leur dirai, c’est Wagner, lui-même. « Que ne suis-je un chanteur dramatique, écrivait-il à Liszt quelques jours avant la première représentation de Lohengrin. Je serais dix fois plus heureux que je ne le suis, car, je le sais, le véritable artiste, c’est lui ! A nous autres compositeurs et poètes il n’est donné que, de vouloir, lui seul peut. »