Page:Nougaret - Naufrages célèbres, ou Aventures les plus remarquables des marins, 1843.djvu/32

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pilote faisait son quart, toutes nos voiles hautes déployées, un impétueux tourbillon frappa si rudement le vaisseau qu’il le renversa sur le côté, jusqu’à faire plonger les hunes et le haut des mâts. Les câbles, les cages d’oiseaux et tous les coffres qui n’étaient pas bien amarrés furent renversés dans les flots, et peu s’en fallut que le dessus du bâtiment ne prît la place du dessous. Cependant la diligence qui fut apportée à couper les cordages servit à redresser par degrés ; le danger, quoique extrême, eut si peu d’effet pour la réconciliation des deux ennemis, qu’un moment après qu’il fut passé, et malgré les efforts qu’on fit pour les apaiser, ils se jetèrent l’un sur l’autre et se battirent avec une égale fureur.

« Ce n’était que le commencement d’une affreuse suite d’infortunes. Peu de jours après, dans une mer calme, le charpentier et d’autres artisans, cherchant le moyen de soulager ceux qui travaillaient aux pompes, remuèrent si malheureusement quelques pièces de bois au fond du vaisseau, qu’il s’en leva une assez grande par où l’eau entra tout à coup avec tant d’impétuosité, que ces misérables ouvriers, forcés de remonter au plus vite sur le tillac, manquèrent d’haleine pour expliquer le danger, et se mirent à crier d’une voie lamentable : « Nous sommes perdus ! Nous sommes perdus ! », sur quoi le capitaine, le maître et le pilote, ne doutant point de la grandeur du péril, ne pensèrent qu’à mettre la barque en dehors en toute diligence. Le pilote, craignant qu’elle ne fût trop chargée par la quantité de ceux qui voulaient s’y placer, y entra armé d’un grand coutelas, et déclara qu’il couperait les bras