Page:Nouveau - Poésies d’Humilis et vers inédits, 1924.djvu/156

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avec de riches affiquets, un gros bouquet au sein, une couronne d’oranger très délicate au front, et des souliers d’un satin si pâle que celles qui la virent s’avancer ainsi au milieu des bancs jusqu’à l’autel en restèrent émerveillées pour la vie. Mais elle n’épousait qu’un homme laid, un veuf, dont on pouvait compter les cheveux sur le dessus de la tête. Seulement, c’était un des riches de l’endroit, ayant une boutique où se vendaient, énormément, des comestibles de toute sorte, des denrées coloniales et jusqu’à des drogues pharmaceutiques.

Les noces faites et les réjouissances terminées, elle s’établit derrière son comptoir et n’en bougea plus. Chose bien naturelle dans une femme aussi privée de sentiment, elle eut tout de suite l’esprit du négoce, la ruse de la petite marchande. Insensiblement le bout de son nez s’affina et parut se tendre vers l’argent, à qui il dut trouver une odeur particulière, et ses doigts s’allongèrent pour mieux courir sur le comptoir, où ils agrippaient au vol les sous de la pratique avec une étonnante agilité.

Elle restait belle malgré tout, et cela lui attirait des clients du matin au soir. La boutique ne désemplissait pas. Dès qu’ils avaient le pied sur le seuil, tout en les servant, et jusqu’à ce qu’ils fussent parfaitement sortis, elle leur souriait pour mieux les engluer. C’était un sourire calculé, vé-