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Page:Nouveau - Poésies d’Humilis et vers inédits, 1924.djvu/158

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non ! retournée à son comptoir, elle continua à sourire fatalement, immuablement, obstinément, comme si une main invisible lui eût imprimé sur la face cette grimace aimable, comme si ce sourire vide se fût gelé à jamais sur sa bouche. Elle sentit bien, la malheureuse, qu’aucune grande douleur, qu’aucune joie sérieuse, car le bonheur aussi rend grave, ne saurait fondre ce glaçon de son cœur qui lui était comme remonté aux lèvres. Et ce fut dès lors navrant, ce sourire qui se résignait.

Au début de cette singulière infirmité, sa réputation se releva un peu de l’accusation de froideur qu’elle s’était méritée car elle tâcha de donner à sa physionomie une cause dans l’amabilité de ses paroles, dans la douceur de son caractère. Elle réussit à ramener à elle quelques voisines, qui ne prononcèrent plus son nom sans y ajouter l’épithète d’aimable. Mais un jour que l’une d’elles, toute en larmes, lui apprenait la mort de son père et de sa mère, frappés du même coup de foudre :

« C’est affreux ! » s’écria-t-elle en souriant. La voisine ne la revit de sa vie, et le bruit courut partout que décidément ce n’était qu’un mauvais cœur.

Et elle n’osait toujours s’ouvrir à personne, et souffrait toute seule en silence. Si au moins elle avait pu pleurer ! Elle y pensait sans cesse, s’ingéniant à pleurer comme un enfant qui boude ;