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SAVOIR AIMER


Pour vêtir sa misère et combler avec lui
Son cœur vide, et le gouffre amer de son ennui.
Grâce à l’argent, le mal trône et rit sur la terre.
À son contact banal, quelle âme ne s’altère ?
Jésus était-il riche, et Pierre l’était-il ?
Une humble barque, ouvrant sa voile de coutil,
C’est peu — même en comptant le souffle de la brise.
Cette voile a grandi ; voyez-la, c’est l’église !

Travaillez, c’est la règle, enrichissez-vous, mais
Restez pauvres d’esprit. Laissant les fiers sommets,
Les lys, pour s’élancer ont mieux aimé les plaines,
Et quand aux dons du ciel : « Aux pauvres, les mains pleines. »
Dieu ne visite pas le riche orgueilleux, non !
Pauvre, Jésus le fut, ne voulant d’autre nom.
Mais Jésus l’est toujours, mais son cri monte encore.
Tout pauvre que la fièvre et que la soif dévore
C’est Jésus. Tout petit qui va pieds nus, c’est Lui.
Notre ennemi sans pain, est-ce encore Jésus ? Oui.
Être pauvre, avant tout, c’est aimer la sagesse
Et l’on peut l’être, même aux bras de la richesse.
Être riche, avant tout, c’est n’aimer que l’argent,
Et l’on peut l’être, même en étant indigent !
Être riche d’esprit, désirer, c’est la gêne ;
C’est river à son pied une bien lourde chaîne,
Être pauvre d’esprit, c’est être libre. Eh bien
Aimez la liberté, n’appartenez à rien,
Pas même au lit qui s’ouvre à votre échine lasse.
Pas même à votre habit ; il est au temps qui passe.

Toute la pauvreté, disai-je en commençant ;
La mauvaise richesse, elle est dans notre sang,