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SAVOIR AIMER


Eh bien, la charité qui lui parle à mi-voix
Saura lui retirer les bagues de ses doigts,
La perle éclose au coin de son oreille en flamme,
Sa chevelure où rit la gloire de la femme,
Sa chambre, où le soleil allonge dans la paix
Sa large griffe d’or sur les tapis épais ;
Ses miroirs éclatants, les servantes accortes,
Ce vestibule altier plein de dessus de portes,
Où des gens dont le vent chiffonne le manteau
Sont poudrés par Boucher et fardés par Watteau,
Et l’œil de ces bergers, diseurs de douces choses ;
Les grands vases de fleurs, où Sèvre a peint les roses !
Ses pieds si délicats, chaussés de gros souliers,
Sa taille consacrée à d’humbles tabliers,
Sous sa coiffe de tulle et d’épingles légères,
L’enfant ira, parmi les âmes étrangères,
Fermer les yeux des morts, coudre le drap fatal,
Où sous les crucifix des murs de l’hôpital
Au chevet d’un mourant dont la bouche blasphème
Pour lui dire : « Je suis votre sœur qui vous aime ! »

Cette charité-là se nomme amour divin.
Elle enivre les cœurs, plus forte que le vin,
Père des charités, dont le père pardonne,
Jésus, ô doux Jésus, pour qu’enfin l’on se donne
À vous, dont on tient l’âme et le cœur que l’on a,
Vous qui changiez en vin l’eau claire de Cana,
Qui chantait en entrant sonore au col des vases.
Changez la boue en or dans nos cœurs lourds de vases.
Vous qui rendiez la vue, à ceux dont les bâtons,
Tâtent le pied des murs, nous marchons à tâtons,