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SAVOIR AIMER


Père des sommeils lourds et des mornes ennuis,
N’es-tu pas las de boire au fond des yeux la vie,
Comme un soleil brutal boit l’onde au fond d’un puits.

Tout ce qui vient de Dieu, tout ce qui fait envie
La grâce des fronts purs, la force des lutteurs ;
L’intelligence, lampe à Dieu même ravie,

Jusqu’à la voix qui vibre au gosier des chanteurs
Jusqu’au trésor de pleurs qui tremble au cœur des femmes,
Tu fais passer sur tout tes souffles destructeurs.

Tu donnes jusqu’au goût des souffrances infâmes,
Et les petits enfants qui baissent leurs cils noirs,
Pâlissent au passage effrayant de tes flammes.

Tu glanes des savants aux plis de tes peignoirs,
Et tu domptes le cœur des rudes capitaines,
Rien qu’avec le parfum que jettent tes mouchoirs.

Tu traites les vertus d’atroces puritaines
Mais leur cœur réfléchit comme un lac de cristal
La force et la douceur des étoiles hautaines.

Cependant, dur geôlier dont le poignet brutal
Ne se laisse fléchir par les cris de personne
Tu peuples la prison autant que l’hôpital.

Tu te dis bon vivant, tu t’assieds sur la tonne
Ton verre dans la main, tu chantes, et pourtant
Aux hideurs que tu fais la science s’étonne.