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HENRI DE KLEIST

parmi les Allemands, ni parmi les Français, pour lesquels j’éprouvais déjà un éloignement naturel que leur conduite à notre égard a encore fortifié. Hélas ! c’est une vilaine chose que la vie, c’est bien, comme vous le disiez, une fatigue, »

Rendu à la liberté en 1808, il se retira à Dresde, et s’adjoignit à A. Müller pour la publication du journal le Phœbus. En même temps il se remit à ses compositions poétiques, écrivit Pentesilea, acheva quelques-uns de ses contes, l’Amphitryon, Kätchen (Catherine) de Heilbronn, et travailla encore une fois à son Robert Guiscard, dont il publia dans le Phœbus plusieurs fragmens.

En 1809 la guerre éclate encore avec la France, et l’enthousiasme de Kleist se réveille. Il songe à la délivrance prochaine de sa patrie ; il compose sa tragédie de Herrmann ; il publie son ode à l’Allemagne, sa Germania, Il court à Prague, pour travailler comme écrivain à défendre la cause de l’Allemagne, et à combattre dans l’opinion les progrès que faisaient les armes françaises. De Prague il veut se rendre à Vienne, mais nos troupes venaient d’y entrer. Kleist retombe dans le découragement, revient à Berlin ; bientôt la paix est condue, et toutes les espérances qu’il s’était faites pour la liberté de son pays sont loin, et la généreuse ambition qui lui avait un instant donné tant d’énergie, iàit place à nne muette et morne consternation. Dès-lors les couleurs de la vie se rembrunissent à ses yeux, et le monde lui devient plus à charge. H retourne encore cependant par intervalles à ses travaux littéraires. Il écrit sa dernière pièce de théâtre, le Prince de Hombourg, et publie un journal, les Abendblätter (Feuilles du soir). Mais cela est plutôt pour lui une distraction passagère, un besoin de l’esprit qu’il faut satisfaire, que l’effort constant et élevé d’une âme qui pressent son but et veut y arriver. Ses parens l’engagent à reprendre de nouveau une place ; mais il n’en a plus la force, et la misanthropie qui le domine, le sentiment de son génie qu’il