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HENRI DE KLEIST

ennemis l’un de l’autre, des sermens de vengeance prononcés devant l’autel et le fer à la main ; puis entre ces vieillards dont l’âme est pleine de fiel et d’animosité, l’amour de deux jeunes gens qui s’élève dans toute sa candeur et sa simplicité comme un lien destiné à rapprocher ce que la haine sépare. Il y a long-temps qu’une telle idée dramatique a été mise en œuvre, et d’abord le Romeo et Juliette de Shakespeare est là. Puis ce fatalisme qui domine dans la pièce, ces meurtres qui arrivent coup sur coup, ne donnent qu’une sensation pénible, et n’inspirent pas cet intérêt véritable et bien senti que l’on doit attendre du drame. Enfin, le dénouement de cette tragédie est tout-à-fait manqué. Ces deux, pères qui se réunissent sur une scène de meurtre, cette réconciliation amenée sur le cadavre de leurs enfans révolte, et ne laisse à l’ame rien qui la satisfasse. Il vaudrait mieux que le rideau tambât après la mort d’Ottokar et d’Agnès ; ce serait au moins plus moral que de nous montrer ces deux amans sacrifiés comme des victimes pour ramener la paix dans leurs familles.

Ce qu’il y a de remarquable dans cette pièce, c’est l’amour d’Agnès et d’Ottokar ; amour vague, mystérieux, rêveur, et déjà frappé d’une sorte de fatalisme qu’il pressent, mais peint avec des couleurs d’une finesse admirable, et s’élevant avec tant de grâce et de fraîcheur au milieu des scènes affreuses à travers lesquelles il prend naissance !

Penthesilea est encore une pièce qui se ressent de la même ardeur de jeune homme, et du même défaut île véritable entente dramatique, et si l’on en excepte le dénouement, cette pièce n’indique pas que le poète ait encore fait dans son art de grands progrès.

Mais vient enfin sa Kätchen de Heilbronn, et nous trouvons Kleist dans toute la force et la beauté de son talent.

Kätchen est une jeune fille de village, la fille unique d’un vieil armurier, faible, maladive et livrée au somnambulisme. Une nuit elle voit apparaître en rêve un jeune che-