Page:Nouvelle revue germanique, tome 14, 1833.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

brasser tes étoiles et en recevoir de douces paroles ? Quelle volupté, quelle jouissance peux-tu nous offrir, qui vaillent les ravissemens de la mort ? Tout ce qui nous enthousiasme ne porte-t-il pas les couleurs de la nuit ? C’est la nuit qui te soutient avec tendresse, et tu lui dois ta splendeur. Tu irais te perdre dans l’espace, si elle n’était là pour te retenir et te conserver ta chaleur. En vérité, j’existais avant toi, ma mère[1] m’envoya avec mes frères pour habiter ton monde, et le sanctifier par l’amour et y semer des fleurs impérissables. Mais ces divines pensées ne sont pas encore mûres, et il n’y a encore que peu de traces de notre manifestation. Un jour, en tombant sans chaleur, tu nous montreras les bornes du temps, et je sens déjà en moi la fin de ta carrière, la liberté céleste et l’approche de mon retour. Je t’ai vu avec douleur éloigné de notre patrie et luttant contre notre beau ciel. Mais ta rage et tes efforts sont vains ; la croix est indestructible, la croix qui est notre symbole de victoire. Je m’élève au-delà de ce monde, et chaque peine que j’ai maintenant à souffrir, deviendra un jour une source de bonheur. Quelque temps encore, et je suis libre, et je repose au sein de l’amour. Une vie sans fin se développe en moi, et ta lumière, ô soleil, vient s’éteindre au pied d’un tombeau. C’est dans l’ombre que je reçois la couronne rafraîchissante. Je sens les flots de la mort qui doivent me rajeunir, mon sang se change en air balsamique et éthéré. Je vis le jour plein de foi et de courage, et la nuit je me baigne dans un feu sacré.


5.

Autrefois, parmi les races diverses qui peuplent au loin le monde, un destin de fer étendait sa souveraine puissance. Des liens étroits et grossiers enchaînaient leur ame, et la terre était la patrie et le séjour de leurs dieux ; sur les montagnes

  1. Je présume que Novalis veut désigner sous ce titre la poésie, mais rien dans son texte ne l’indique d’une manière assez positive.