Page:Nouvelle revue germanique, tome 9, 1831.djvu/166

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que je souffre de mon inaction. Le sang se dessèche dans mes veines, tellement j’ai soif de marcher en avant, et il faut rester là, assiéger une ville, faire tous les jours la même chose. Nos soldats demandent l’assaut, mais qui commanderait ensuite à leurs passions tumultueuses ? qui entreprendrait de réaliser nos espérances, si les liens de la discipline et de l’amour étaient déchirés ?

Il me semble que Misitra se rendra sous peu ; mais je voudrais être déjà au-delà. Je me sens affaissé dans le camp comme aux approches d’un orage. Je suis dans un état d’irritation indéfinissable et mes gens me déplaisent ; leur licence me fait frémir. Mais pourquoi te retracer ces sombres images ? ― Au reste l’antique Lacédémone vaut bien qu’on souffre avant de la posséder.


HYPÉRION À DIOTIMA

C’en est fait, Diotima ! nos gens ont pillé, saccagé, égorgé sans distinction ; ils ont massacré leurs frères, les Grecs de Misitra ; ou bien errent-ils dans la campagne, et appellent-ils la vengeance divine sur les barbares dont je suis le chef ?

Oh ! c’est maintenant que je serai le digne missionnaire de ma bonne cause, que les cœurs voleront au-devant de moi !

Mais on conviendra que je m’y étais bien pris. Je connaissais mes gens, et c’est avec une horde de brigands que j’ai voulu fonder ma république.

Par la redoutable Némésis ! je ne puis pas me plaindre ; j’ai ce que je mérite, et je me résigne ; je souffrirai avec courage jusqu’à mon dernier soupir.

Tu me crois en délire ? J’ai reçu une blessure honorable d’un de mes compagnons, en voulant réprimer des excès révoltans. Si j’étais en délire, j’aurais déchiré l’appareil du chirurgien, et mon sang coupable eût arrosé cette terre en deuil.