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FRÉDERIC DE HARDENBERG,

père était directeur. Il passa l’hiver de 1795 à 1796 fort occupé, et les nouvelles qu’il recevait de Gruningen continuaient à être rassurantes. Il trouva même, dans un petit voyage qu’il y fit au printemps de 1796, Sophie jouissant en apparence d’une santé parfaite. C’est ainsi que Novalis vivait tranquille et heureux dans la maison de ses parens, et espérait pouvoir sous peu se marier, lorsqu’il apprit à l’improviste que sa fiancée s’était rendue à Jéna pour y subir une opération dangereuse. Elle avait un abcès au foie, et n’avait pas voulu permettre qu’on informât Novalis de sa maladie, avant qu’elle eût subi l’opération. Il vola à Jéna et trouva Sophie très-souffrante. Quoique la maladie parût prendre une tournure favorable, les médecins se trouvèrent bientôt obligés de répéter l’opération ; alors ils commencèrent à douter que la malade eût assez de forces pour pouvoir se rétablir entièrement. Sophie endura toutes ces souffrances avec un courage et une patience au-dessus de tout éloge. Ses parens, ses frères, et Novalis employèrent tout pour adoucir ses peines par les soins les plus affectueux. Sophie avait souhaité de revenir à Gruningen. Novalis partageait son temps entre les visites à Gruningen et les occupations de son état à Weissenfels ; mais ce n’est pas sans la plus vive douleur qu’il était forcé de s’avouer qu’il la trouvait plus malade chaque fois qu’il la voyait ; un de ses frères qui, pour rétablir sa santé, s’était rendu dans les montagnes de la Saxe y était tévenu au printemps de 1797 si malade qu’on craignait pour ses jours. C’est dans cette cruelle attente de la mort de deux êtres qu’il chérissait le plus, qu’il passa le commencement de cette année.

« Le 19 Mars, deux jours après l’anniversaire de sa naissance, sa fiancée s’endormit pour toujours dans les bras de sa sœur et de sa fidèle gouvernante, mademoiselle Dancour, qui chérissait son élève comme une mère. Personne n’osa d’abord communiquer à Novalis cette nouvelle. Lorsqu’enfin son frère