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Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/142

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LE ROI GRATTAFICO


Celle-ci, apprenant qu’une femme enceinte
Demandait asile, entra en grande colère
Et maudit le ciel, parce qu’elle ne pouvait,
Vu le testament, se soustraire à cette obligation.
Puis elle accueillit son hôte de telle façon
Qu’on recevrait mieux un chien.

Le Roi de Cascina humblement
Remercie l’extravagante signora ;
Et, comme elle était belle et gracieuse,
Il s’enflamme presque pour elle et en tombe amoureux.
Pourtant, il se dit en lui-même ; « Je veux voir d’abord
» D’où peut venir tant d’orgueil. »

Il ne voit rien pendant deux jours ; mais un soir,
À l’heure où l’on éteint les lampes des Madones,
Toute parée, la contenance noble et hautaine,
Betta parut, congédia ses femmes
Et resta seule. On frappe à une porte,
Elle ouvre, et voici entrer… un soldat.

Grattafico avait dans la bouche l’anneau
Qui le rendait invisible à tous.
Cependant le militaire applique un baiser
À la dame, qui ne faisait pas l’orgueilleuse,
Mais qui, douce comme un agnelet,
Se laissait baiser et restait tranquille.

Il lui patina, après ce baiser, les blancs tetons
D’une main grossière, et elle le laissa faire.
« Allons, vite, j’ai des affaires par-dessus la tête, »
Dit-il alors ; « que faisons-nous là à flâner ? »
Elle, sans dire mot, prit la lumière
Et alla dans sa chambre s’étendre sur le lit.