Aller au contenu

Page:Nouvelles de Batacchi, (édition Liseux) 1880-1882.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
MADAME LORENZA


Tout cela fit comprendre au Moine pour quelle œuvre
La belle Duchesse l’avait fait appeler :
Tous deux se turent, se regardèrent, et après
Qu’ils eurent l’un sur l’autre fixé les yeux,
Ils entamèrent, sans parler, un discours tel,
Que jamais Démosthènes n’en fit de pareil.

La belle Duchesse poussa un soupir,
Et, se montrant timide et confuse :
« Asseyez-vous, » dit-elle, « cette petite sotte

» Est bonne fille, c’est vrai, mais elle a toujours manqué d’usage ;

» Elle aurait bien dû vous donner, par politesse,
» Une chaise… Mettez-vous sur le lit. »

Le Moine ne se le fit pas dire deux fois
Et s’assit tout de suite au beau milieu du lit ;
Alors vinrent une foule de tendres œillades,
Le Moine fit les yeux doux, elle sourit ;
Lui, qui voit l’occasion favorable,
Sur un sein de neige porte la main.

— « Que faites-vous ? » s’écria-t-elle, mais à voix basse,
« Ah ! quelle ardeur étrange, imprévue !…
» Cessez, ou vous m’allez entendre élever la voix…
» Finissez… ou pour châtiment d’un tel crime… ! »
Mais, tout en simulant un violent courroux,
De son sein gonflé elle lui remplit la main.

« Eh ! qui pourrait finir ? » répondit le Moine,
« Ornement et gloire du sexe féminin !
» Je serais bien, par une telle lâcheté,
» Indigne du cordon de Saint François !
» Que je finisse ?… Ah ! pour vous faire cet affront,
» Il faudrait être de pierre, ou bien mort !