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INTRODUCTION

crime sans que le moindre souffle incline la plus petite flamme de ce feu ; et d’un autre côté, un regard échangé, une pensée qui ne parvient pas à éclore, une minute qui passe sans rien dire, peut l’agiter en tourbillons terribles au fond de ses retraites et le faire déborder sur ma vie. Notre âme ne juge pas comme nous ; c’est une chose capricieuse et cachée. Elle peut être atteinte par un souffle et ignorer une tempête. Il faut chercher ce qui l’atteint ; tout est là, car c’est là que nous sommes.

Ainsi, et pour en revenir à cette conscience ordinaire qui règne à de grandes distances de notre âme, je sais plus d’un esprit que la merveilleuse peinture de la jalousie d’Othello, par exemple, n’étonne plus. Elle est définitive dans les premiers cercles de l’homme. Elle demeure admirable, pourvu que l’on ait soin de n’ouvrir ni portes ni fenêtres, sans quoi l’image tomberait en poussière au vent de tout l’inconnu qui attend au dehors. Nous écoutons le dialogue du More et de Desdémone comme une chose parfaite, mais sans pouvoir nous empêcher de songer à des choses plus profondes. Que le guerrier d’Afrique soit trompé ou non par la noble Vénitienne, il a une autre vie. Il doit se passer dans son âme et autour de son être, au moment même de ses soupçons les plus misé-